Traces de mémoire

Après "De sable et de vent" et la Côte d'opale j'ai eu envie de suivre le trait de côte, direction sud-sud-ouest, vers la Normandie et la Côte de nacre. Pas la Normandie d'Etretat ou de Deauville, non, plutôt la Normandie marquée à tout jamais par son Histoire, celle du D.Day, du 6 juin 1944.
Depuis des décennies nous sommes habitués à commémorer chaque année ce fameux 6 juin et régulièrement la télévision nous ressert " Le jour le plus long" le film de Darryl F.Zanuck, véritable hymne à la gloire des bons héroes GI's libérateurs, ou bien "Il faut sauver le soldat Ryan" de S.Spielberg. On ne les remerciera jamais assez.
Mais il ne faut pas oublier que, derrière ces épopées hollywoodiennes, il y a des hommes et des femmes qui vécurent l'enfer ce jour là et les jours suivants.
Combien étaient-ils ces jeunes du Minnesota, de l'Ohio ou du Michigan? Combien étaient-ils ceux du Kent ou du Yorkshire? Et tous ceux d'Australie, du Canada ou d'autres pays d'Afrique ou d'Asie, Combien étaient-ils? Des centaines de milliers qui ne connaissaient même pas la France pour la plupart. Malades de trouille ou du mal de mer, entassés et ballotés pendant des heures dans les barges de débarquement. Ce fut terrible et le choc effroyable. 10 500 morts côté alliés et 10 000 allemands le 6 à minuit, l'équivalent d'une ville comme Cahors en vingt-quatre heures. Une véritable tuerie. Le martyr des civils fut tout aussi grand avec des bombardements inutiles. Il ne faut pas oublier, non plus, ces soldats allemands tel le soldat Wolfgang Unger qui repose au cimetière de La Cambe, tout juste vingt ans, enrôlé sans doute de force dans la Wehrmacht qui ne reverra jamais sa Ruhr ou sa Bavière natale. Il n'y a pas eu de prisonniers, ou si peu, rien n'était prévu pour les accueillir lors de l'avance des alliés, ceux qui se rendaient en levant les bras.... Est-ce le prix de la Liberté? La Liberté ne peut-elle être préservée que par le prix du sang? On a dit plus jamais ça mais les hommes ont la mémoire courte. L'Histoire a-t-elle même une conscience?
On ne peut pas marcher sur ces plages sans se poser ces questions, sans penser à ces hommes qui ne sont jamais rentrés chez eux. L'émotion est palpable. La nature a repris ses droits, la mer n'est plus rouge elle a retrouvé son magnifique bleu-vert. Le fracas effroyable a laissé la place à un silence assourdissant interrompu parfois par le cri d'une mouette ou du roulement du ressac sur les galets. Le doux parfum de l'iode et de l'écume a remplacé celui de la poudre et du sang. On a l'impression qu'il ne s'est jamais rien passé sur ces plages, seules quelques "traces de mémoire" nous le rappellent.
  • ‟Utah Beach‟